Tournant et accélération

Los Angeles, 16 mars 2016

Un appel de l'autre bout de la planète. Une voix. Celle de mon mari. Le nom de mon fils. Marin a eu un accident. Et là tout se brouille, comme si j'étais aspirée à 30 mètres sous la mer. J'entends "hôpital", "AVC", "hémiplégie", "Necker". Ne pas sombrer. Rester debout. Mode pilote automatique activé.

15 heures d'avion plus tard, je suis à Paris. Fin d'une expatriation chez Dior USA qui démarrait tout juste. Je retrouve Marin, dans son lit d'hôpital aux draps jaunes pales. Il respire, moi aussi. Ça va aller. Et tout va redevenir comme avant.

Anesthésie

4 ans se sont écoulés. Comme une longue anesthésie. À l'heure où tout est accessible en un clic, on imagine souvent que les tournants de vie se font en l'espace de quelques secondes. Mais 4 ans après Los Angeles, je n'en suis encore qu'au début de l'aventure.

Pendant 4 ans j'ai tout fait pour que tout revienne à sa place : toute la famille est de nouveau installée à Paris, et Marin remis, en bonne santé, épanoui dans une école "normale". Côté job, retour chez Dior à Paris pendant 2 ans puis un nouveau poste chez Rémy Martin. Appartement parisien. Parquet, moulures, cheminée. Back on tracks.

Mais à l'intérieur de moi, l'envie irrépressible de sortir des rails. 

26 Octobre 2020

Un déjeuner d'automne. Je viens de démissionner de Remy-Martin. Là-bas, j'ai eu la chance de retrouver un patron et mentor exceptionnel. Le quitter m'a coûté, mais m'a également montré à quel point l'élan entrepreneurial était désormais plus fort que tout, prêt à tout pour se faire une place dans ma vie.

Et pourtant, c'est sans idée précise en tête que je rentre à la maison avec mon carton, mes cartes de visite, et mon temps libre.

Une semaine après, à la terrasse d'un café, une simple discussion avec une amie fait naître Petites Reines. "Et si je rendais les femmes plus belles à vélo ?". Aurélie, qui avait pourtant entendu depuis 10 ans les centaines d'idées que j'avais eu pour lancer un business, me regarde dans les yeux et me dit "C'est évident, c'est tout toi. Fonce !". C'est vrai que depuis mon expatriation à Francfort en 2008, le vélo a changé ma vie et mon regard sur Paris. C'est devenu un art de vivre, et un vrai vecteur de liberté. Je tiens mon WHY.

De retour à la maison le soir même, je dépose le nom de domaine www.petitesreines.com, en écho à la Petite Reine, surnom du vélo bien connu des fans du Tour de France dont je ne fais pourtant pas partie. Mais j'ai trouvé ce mot poétique, féminin. Et surtout, je visualisais déjà toutes ces belles silhouettes, chics et pétillantes, en train de sillonner les plus grandes métropoles les cheveux au vent et le sourire aux lèvres.

C'était parti.

Pourquoi attendre ? 

Depuis deux ans et demi, j'ai embarqué dans le roller-coaster de la vie d'entrepreneure. Combien de phases, de hauts, de paliers, de bas, de rebonds, de coups de frein, de joies intenses, d'impression de devoir être au four, au moulin, mais aussi à mille autres endroits au même moment. Comme dirait Fred, designer de Petites Reines, "Il y a beaucoup de monde dans ta tête Marie-Caroline, ce n'est un secret pour personne". 

J'ai 44 ans, et avec le recul, je me dis une chose : quelle chance d'avoir osé me lancer. Parce que quoi qu'il arrive, cette aventure est le meilleur des MBA, le plus beau concentré de rencontres, et une école de la vie, qui m’ oblige à m’aligner, chaque jour un peu plus. À choisir. À oser l'inconfort. À surmonter mes peurs. À me mettre en mouvement. À être mon propre moteur. 

Mais pour cela, nul besoin de lanceur d'alerte. Si vous le sentez en vous, foncez vers ce projet qui vous appelle. Nul besoin d'un accident de vie pour justifier une reconversion, un nouveau projet.

#La voie est libre.